
Quel crédit d’impôt d’innovation ou crédit impôt recherche pour les sociétés françaises de l’écosystème blockchain ?
Par Fabrice Heuvrad, Directeur général, & Sanaa Moussaïd, Présidente, Token Strategy Advisor, société de conseil spécialisé activité blockchain.
Malgré la rigueur et la complexité de son administration, la France ne manque pas d’atouts pour séduire les start-up de l’écosystème blockchain. En effet, on peut citer :
- les salariés bénéficient d’un haut niveau de qualification et de compétences ;
- les dispositifs d’accompagnement financiers (si on sait à quelle porte frapper…) ;
- l’émulation généré par l’écosystème actuel (on peut citer l’ADAN pour son rôle actif d’intermédiation avec les différentes autorités gouvernementales françaises et européenne).
- Les incitations sociales (statut JEI) ;
- Les incitations fiscales : crédit impôt innovation (CII) et crédit impôt recherche (CIR).
Ces atouts indéniables sont généralement sous-exploités par les jeunes pousses au profit du développement de la solution et son marketing.
Dans cet article, nous vous proposons un tour d’horizon du Crédit d’Impôt Innovation (d’un montant de 20M des dépenses avec un maximum de 400 000 euros) et nous espérons que vous franchirez le pas afin d’engager les formalités administratives pour en bénéficier.
Les sociétés bénéficiaires qui peuvent bénéficier du crédit d’impôt innovation
- La qualité de « PME communautaire»
L’Administration fiscale détermine les entreprises éligibles[1], à savoir, cumulativement :
- Sur une période de douze mois : avoir un effectif salarié inférieur à 250 personnes ;
- Sur une période de douze mois : avoir un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ou un total bilan annuel qui ne doit pas excéder 43 millions d’euros ;
- Être qualifiée d’autonome (ne pas détenir de participation de 25% dans une autre entreprise, ne pas être détenu à 25% par une autre entreprise).
Remarque : si votre société n’a pas été encore immatriculée en France, il convient de s’interroger sur la composition du capital social, afin de ne pas perdre le bénéfice de ce crédit d’impôt.
- Les activités éligibles
Une bonne nouvelle est que l’Administration ne cite pas les activités blockchain comme activités non éligibles dans le BOFIP.
A nouveau, l’Administration fiscale française détermine[2] les activités éligibles, à savoir les activités qui concourent à des opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits.
La définition du nouveau produit ou de prototypes fait l’objet de commentaires dans le BOFIP, et il s’agit du critère principal qui demande une analyse approfondie et la réalisation d’une documentation spécifique qui permettra la demande auprès de l’Administration fiscale.
En effet, l’administration n’accepte pas l’éligibilité des innovations de procédé, d’organisation ou de commercialisation.
Ainsi, au niveau des activités de blockchain, il sera nécessaire d’être vigilant, au risque de mettre en péril l’éligibilité global au dispositif de CII. En effet, les dépenses d’innovation de procédé (nouveau procédé de validation de blocs) ou d’organisation (Token de gouvernance) sont-ils éligibles ?
Rappel sur le calendrier de la demande à son remboursement
Il convient de distinguer deux phases :
- la phase d’élaboration des comptes annuels par l’expert-comptable et leur certification par le commissaire aux comptes (le cas échéant) ;
- La phase d’élaboration du dossier de crédit d’impôt innovation et de son suivi jusqu’à l’obtention de son remboursement.
Ces deux phases sont concomitantes et interdépendantes. En effet, les comptes annuels devront nécessairement comprendre les écritures de produits non imposables liés au crédit d’impôt innovation et la demande de remboursement de ce crédit d’impôt est à réaliser sur la liasse fiscale de l’exercice d’engagement des dépenses.
A partir d’un exemple d’une entreprise immatriculée le 01/10/N et dont le premier exercice fiscal se termine le 31/12/N+1 (premier exercice d’une durée de plus de 12 mois), les principales étapes peuvent être les suivantes :
- Du 01/10/N au 31/12/N+1 : engagement des dépenses (masse salariale + charges sociales afférentes, dépenses de prestataires, etc…) ;
- Du 01/11/N+1 au 28/02/N+2 : préparation de la documentation d’accompagnement du crédit d’impôt innovation et des CERFA liés à la demande de CII (2069-RCI et 2069-SD ;
- 31/03/N+2 : établissement des comptes annuels, de la liasse fiscale et du relevé de solde d’impôt société (CERFA 2572) par l’expert-comptable de la société en concertation avec le partenaire qui prépare le document ;
- 01/04/N+2 au 30/06/N+2 : réponse aux questions de l’Administration fiscale qui instruit le dossier dès réception de la liasse fiscale et des différents CERFA liés au CII ;
- 01/07/N+2 au 30/09/N+2 : remboursement du CII par l’Administration fiscale.
Comme on peut le voir, la durée séparant les dépenses le remboursement du CII peut être longue et nécessite d’anticiper ces décalages de trésorerie, nonobstant le fait que l’éligibilité des dépenses n’est acquise qu’à l’issue de l’instruction du dossier par l’Administration fiscale. Par conséquent, il convient d’avoir un suivi budgétaire approprié et sécuriser le caractère éligible par l’éventuel recours à un rescrit fiscal[3].
Concrètement, quelles informations doivent être mentionnés dans la documentation ?
Généralement, il est d’usage de s’inspirer de la documentation produite lors d’une demande de crédit d’impôt recherche.
Ce document se construit en quatre parties principales :
- Une présentation de la société (historique, organigramme, validation du caractère de PME au sens européen : chiffre d’affaires, effectifs, composition du capital social).
- Justification des éléments de calcul du CII (bulletin de salaire, contrat de travail, affectation analytique par projet, dépense de prestataires).
- La présentation de l’opération dans sa globalité et la justification de son caractère éligibles : le respect du critère d’innovation, la contribution scientifique/technique/technologique, les ressources humaines affectés pour mener à bien le projet, les partenariats, etc…)
- Une annexe avec les documents mentionnés dans le corp du document.
En pratique, les documents fiscaux à renseigner pour le CII
Au même titre que son grand frère, l’Administration fiscale demande les documents suivants :
- Le CERFA 2572 : à transmettre au format EDI-TDFC ou EFI depuis l’espace impot.gouv ;
- Le CERFA 2069-RCI à transmettre en même temps que la liasse fiscale au format EDI-TDFC ;
- Le CERFA 2069-A-SD, paragraphe IV : à transmettre en même temps que la liasse fiscale au format EDI-TDFC.
Notre conseil : en concertation avec votre expert-comptable, nous vous conseillons de créer un espace professionnel impot.gouv au nom de votre société et nommer votre cabinet comme délégataire pour faciliter le renseignement des opérations.
Les différentes étapes d’accompagnement en matière de CII sont :
- Création du compte impot.gouv pour effectuer le suivi des différentes déclarations.
- Préparation des calculs prévisionnels du montant du crédit d’impôt innovation et du suivi budgétaire.
- Préparation de la documentation pour valider auprès de l’Administration fiscale, l’éligibilité de la dépense.
- Préparation des CERFA à destination de votre expert-comptable
- Suivi de la demande de remboursement et échange(s) avec l’Administration fiscale.
[1] BOI-BIC-RICI-10-10-45-10
[2] BOI-BIC-RICI-10-10-45-10, paragraphe II
[3] https://www.economie.gouv.fr/entreprises/rescrit-fiscal